[Sommaire]
1. LE CAPITAL
MONDIAL.
Voici la grande vérité universelle :
l’argent est tout. L’argent est gouvernement, loi, pouvoir. Il est
fondamentalement subsistance. Mais en plus, il est l’Art, la Philosophie et la
Religion. Rien ne se fait sans argent ; on ne peut rien sans argent. Il n’y a
pas de relations personnelles sans argent. Il n’y a pas d’intimité sans argent
et même le choix de la solitude en dépend.
Mais la relation avec cette
“vérité universelle” est contradictoire : la majorité des gens ne veulent pas
de cet état de fait. Ainsi, sommes-nous face à la tyrannie de l’argent. Une
tyrannie qui n’est pas abstraite car elle a un nom, des représentants, des
exécutants et des procédés indubitables.
Aujourd’hui, il ne s’agit plus
d’économies féodales ni d’indus tries nationales, ni même d’intérêts de
groupements régionaux. Aujourd’hui il s’agit, pour ces survivants historiques,
d’accommoder leurs biens aux impératifs du capital financier international. Un
capital spéculateur qui se concentre mondialement de façon progressive. Même
l’Etat national a besoin de crédits et d’emprunts pour survivre. Tous mendient
l’inves tissement et fournissent des garanties pour que la banque assume les
décisions finales. Le temps où les entreprises elles-mêmes, ainsi que les
campagnes et les villes, deviendront la propriété incontestable de la banque
va bientôt arriver. De même qu’arrivera le temps du Para-Etat, temps où
l’ancien ordre sera anéanti.
Parallèlement, l’ancienne solidarité
disparaît. En définitive, il s’agit de la désintégration du tissu social et de
l’apparition, malgré la pénurie générale, de la déconnexion et l’indifférence
entre des millions d’êtres humains. Le grand capital domine non seulement
l’objectivité par le contrôle des moyens de production, mais aussi la
subjectivité par le contrôle des moyens de communication et d’information.
Dans ces conditions, le grand capital peut disposer, à son gré, des ressources
matérielles et sociales, dégradant la nature irrémédiablement et écartant
progressivement l’être humain. Pour cela, il dispose de technologies
suffisantes. Et de même qu’il a vidé de sens les entreprises et les Etats, il
en vide aussi la Science, la transformant en technologie produisant la misère,
la destruction et le chômage.
Les humanistes n’ont pas besoin de beaucoup
d’arguments pour étayer le fait qu’aujourd’hui le monde dispose de conditions
technologiques suffisantes pour résoudre, en peu de temps, les problèmes
touchant de vastes régions, à savoir : le plein emploi, l’alimentation, la
salubrité, le logement et l’instruction. Si rien n’est fait dans ce sens,
c’est tout simplement que la spéculation monstrueuse du grand capital l’en
empêche.
Le grand capital, ayant épuisé l’étape de l’économie de marché
commence à imposer sa discipline à la société pour affronter le chaos que
lui-même a produit. Face à une pareille irrationalité, ce ne sont pas les voix
de la raison qui se lèvent dialectiquement mais plutôt les plus obscurs
racismes, fondamentalismes et fanatismes. Et si ce néo-irrationalisme vient à
diriger des régions et des collectivités, la marge d’action des forces
progressistes s’amenuisera de jour en jour. Par ailleurs, des millions de
travailleurs ont déjà pris conscience aussi bien des irréalités du centralisme
étatique que de l’hypocrisie de la démocratie capitaliste. Ainsi, les ouvriers
se dressent contre leurs dirigeants syndicaux corrompus, tout comme les
peuples remettent en question leurs partis politiques et leurs gouvernements.
Mais il faut donner une orientation à ces phénomènes qui, autrement,
s’enliseront dans des actes spontanés sans aucune continuité. Il faut débattre
au sein du peuple des thèmes fondamentaux concernant les facteurs de
production.
Selon les humanistes, les facteurs de production sont le
travail et le capital. La spéculation et l’usure sont en trop. Dans la
situation actuelle, les humanistes luttent pour que la relation absurde qui a
existé entre ces deux facteurs soit totalement transformée. Jusqu’à ce jour,
on a imposé que le profit revienne au capital et le salaire au travailleur,
justifiant un pareil déséquilibre par le “risque” assumé par
l’investissement... comme si chaque travailleur ne mettait pas en jeu son
présent et son avenir soumis aux aléas du chômage et de la crise ! Mais la
gestion et le pouvoir de décision à l’intérieur de l’entreprise sont également
en jeu : le profit non destiné au réinvestissement dans l’entreprise, non
destiné à son expansion ou à sa diversification, dérive vers la spéculation
financière. Le profit qui ne crée pas de nouvelles sources d’emploi dérive
aussi vers la spéculation financière. Par conséquent, les travailleurs doivent
orienter leur lutte pour obliger le capital à un rendement productif maximum.
Mais ceci ne pourra pas se réaliser sans le partage de la gestion et de la
direction. Comment éviter autrement les licenciements massifs, la fermeture et
le vide généré dans les entreprises ? Car le préjudice majeur réside dans le
sous-investissement, la faillite frauduleuse, l’endettement forcé et la fuite
des capitaux, et non pas dans les bénéfices résultant de l’augmentation de la
productivité. Et si on insistait pour que les travailleurs confisquent les
moyens de production suivant les enseignements du XIXe siècle, il faudrait
alors tenir compte du récent échec du socialisme réel.
Quant à l’objection
: “encadrer le capital, comme est encadré le travail, produit sa fuite vers
des lieux et des zones plus profitables”, on peut répondre : ceci ne se
produira plus très longtemps, puisque l’irrationalité du schéma actuel mène ce
capital à sa saturation et à la crise mondiale. Cette objection, outre sa
totale immoralité, ignore le processus historique du transfert du capital vers
la banque. Par ce transfert, le chef d’entreprise lui-même devient un employé
sans pouvoir de décision, à l’intérieur d’un circuit dont l’autonomie n’est
qu’appa rente. Par ailleurs, au fur et à mesure que la récession s’accentuera,
les chefs d’entreprises commenceront eux aussi à prendre en considération ces
différents éléments.
Les humanistes ressentent la nécessité d’agir non
seulement dans le domaine du travail, mais aussi dans le domaine politique
pour empêcher que l’Etat ne soit un instrument du capital financier mondial et
pour obtenir que la relation entre les facteurs de production soit juste et
pour rendre à la société son autonomie accaparée.
[Sommaire]
2. DEMOCRATIE FORMELLE ET DEMOCRATIE
REELLE.
L’édifice de la démocratie s’est
gravement délabré lorsque ses bases principales se sont brisées : indépendance
entre les pouvoirs, représentativité et respect des minorités. L’indépendance
théorique entre les pouvoirs est un contresens. Il suffit de rechercher dans
la pratique l’origine et la composition de chacun d’eux pour démontrer les
relations intimes qui les unissent. Il ne pourrait en être autrement. Tous
font partie d’un même système. De sorte que les crises fréquentes (empiétement
des pouvoirs, superposition de fonctions, corruption et irrégularités)
correspondent à la situation globale, économique et politique d’un pays
donné.
A propos de la représentativité, depuis l’époque de l’exten sion du
suffrage universel, on pensait qu’il n’existait qu’un seul acte entre
l’élection et la fin du mandat des représentants du peuple. Mais à mesure que
le temps passait, on a vu clairement qu’il existe un premier acte par lequel
un grand nombre élit un petit nombre, et un deuxième acte par lequel ce petit
nombre trahit le grand nombre, en représentant des intérêts étrangers au
mandat reçu. Déjà, ce mal couve dans les partis politiques réduits à des
coupoles de dirigeants, coupées des besoins du peuple. Déjà, dans la
machinerie des partis, les grands intérêts financent les candidats et leur
dictent la politique à suivre. Tout ceci met en évidence une crise profonde
dans le concept et la mise en pratique de la représentativité.
Les
humanistes luttent pour transformer la pratique de la représentativité en
donnant la plus grande importance à la consultation populaire, le plébiscite
et l’élection directe des candidats. Car il existe toujours, dans de nombreux
pays, des lois qui assujettissent les candidats indépendants à des partis poli
tiques, de même qu’il existe des subterfuges et des contraintes financières
qui les empêchent de se présenter devant la volonté du peuple. Toute
Constitution ou loi qui s’oppose à la pleine capacité du citoyen d’élire et
d’être élu, se moque des fondements mêmes de la démocratie réelle qui est
au-dessus de toute loi juridique. Et si l’on parle d’égalité des chances, les
moyens de diffusion doivent se mettre au service de la population lors de la
période électorale pendant laquelle les candidats exposent leurs propositions,
en accordant à tous exactement les mêmes opportunités. Par ailleurs, on doit
imposer des lois de responsabilité politique par lesquelles celui qui
n’accomplit pas les promesses faites à ses électeurs risque la révocation, la
destitution ou le jugement politique. Car l’expé dient, pratiqué actuellement,
par lequel les individus ou partis qui ne tiennent pas leurs engagements sont
sanctionnés par les urnes lors du prochain scrutin, n’interrompt en rien le
deuxième acte de trahison des électeurs. Il existe de plus en plus de moyens
technologiques pour mettre en œuvre la consultation directe sur les sujets
d’urgence. Il n’est pas question de privilégier les sondages ni les enquêtes
manipulées mais de faciliter la participation et le vote direct grâce aux
moyens électroniques et informatiques de pointe.
Dans une démocratie
réelle, on doit donner aux minorités les garanties que mérite leur
représentativité mais on doit également favoriser toute mesure qui facilite,
dans la pratique, leur insertion et leur développement. Aujourd’hui, les
minorités harcelées par la xénophobie et la discrimination demandent
anxieusement à être reconnues et, dans ce sens, il est de la responsabilité
des humanistes d’élever cette question au niveau des discussions les plus
importantes, en prenant partout la tête de la lutte jusqu’à vaincre les
néo-fascismes avoués ou dissimulés. En définitive, lutter pour les droits des
minorités, c’est lutter pour les droits de tous les êtres humains.
Mais il
arrive aussi que dans l’ensemble d’un pays, des provinces entières, des
régions ou des provinces autonomes subissent la même discrimination par la
contrainte qu’exerce l’Etat centralisé, aujourd’hui instrument insensible dans
les mains du grand capital. Ceci devra cesser par la mise en place d’une
organisation fédérative dans laquelle le pouvoir politique réel reviendra aux
mains des dites entités historiques et culturelles.
En définitive, mettre
en avant les thèmes du capital et du travail, les thèmes de la démocratie
réelle et les objectifs de la décentralisation de l’appareil d’état, c’est
acheminer la lutte politique vers la création d’un nouveau type de société :
une société flexible et en changement constant, en accord avec les nécessités
dynamiques des peuples, aujourd’hui asphyxiés par la dépendance.
[Sommaire]
3. LA POSITION
HUMANISTE.
L’action des humanistes ne s’inspire pas
de théories fantaisistes autour de Dieu, de la Nature, de la Société ou de
l’Histoire : elle s’inspire des nécessités vitales qui consistent à écarter la
douleur et à s’approcher du plaisir. Mais la vie humaine intègre à ces
nécessités la préparation du futur en se fondant sur l’expérience passée et
sur l’intention d’améliorer la situation présente. Son expérience n’est pas le
simple produit de sélections ou d’accumulations naturelles et physiologiques –
comme c’est le cas dans toutes les autres espèces – elle est aussi expérience
sociale et expérience personnelle, lancées pour dépasser la douleur actuelle
et l’éviter dans l’avenir. Son travail, de productions sociales accumulées, se
transmet et se transforme de génération en génération, en une lutte continue
pour améliorer les conditions naturelles, y compris celles de son propre
corps. C’est pourquoi on doit définir l’être humain comme historique et
disposant d’un mode d’action sociale capable de transformer le monde et sa
propre nature. Et chaque fois qu’un individu ou un groupe humain s’impose à
d’autres par la violence, il parvient à arrêter l’Histoire en transformant ses
victimes en objets “naturels”. La nature n’ayant pas d’inten tions, lorsque
l’on nie la liberté et les intentions des autres, on les transforme en objets
naturels, en objets d’utilisation.
Le progrès de l’humanité, en lente
ascension, requiert la transformation de la nature et de la société en
éliminant la violente appropriation animale de certains êtres humains par
d’autres. Quand cela arrivera, on passera de la préhistoire à une histoire
pleinement humaine. En attendant, on ne peut partir d’une autre valeur
centrale que de celle de l’être humain, entier dans ses réalisations et dans
sa liberté. C’est pourquoi, les humanistes proclament : “Rien au-dessus de
l’être humain et aucun être humain au-dessous d’un autre.” Si on pose comme
valeur centrale : Dieu, l’Etat, l’Argent ou toute autre entité, on subordonne
l’être humain en créant des conditions pour son contrôle et son sacrifice
ultérieurs. Pour les humanistes, ce point est évident. Les humanistes sont
athées ou croyants, mais ne partent pas de leur athéisme ou de leur foi pour
fonder leur vision du monde et leur action ; ils partent de l’être humain et
de ses nécessités immédiates. Et si dans leur lutte pour un monde meilleur,
ils croient découvrir une intention qui fait avancer l’Histoire dans une
direction qui progresse, ils mettent cette foi ou cette découverte au service
de l’être humain.
Les humanistes posent le problème de fond : savoir si
l’on veut vivre, et décider dans quelles conditions le faire.
Toutes les
formes de violence physique, économique, raciale, religieuse, sexuelle et
idéologique, par lesquelles le progrès humain a été entravé, répugnent les
humanistes. Toute forme de discrimination, manifeste ou larvée, est une raison
de dénonciation pour les humanistes.
Les humanistes ne sont pas violents
mais, par dessus tout, ils ne sont pas lâches et ne craignent pas d’affronter
la violence car leur action a un sens. Les humanistes relient leur vie
personnelle et leur vie sociale. Ils ne posent pas de fausses antinomies et
c’est en cela que réside leur cohérence.
Ainsi est tracée la ligne de
séparation entre l’Humanisme et l’Antihumanisme. L’Humanisme met en avant la
question du travail face au grand capital ; la question de la démocratie
réelle face à la démocratie formelle ; la question de la décentralisation face
à la centralisation ; la question de l’antidiscrimination face à la
discrimination ; la question de la liberté face à l’oppres sion ; la question
du sens de la vie face à la résignation, la complicité et l’absurde.
Parce
que l’Humanisme se fonde sur la liberté de choix, il possède la seule éthique
valable aujourd’hui. De même, parce qu’il croit dans l’intention et la
liberté, il distingue l’erreur de la mauvaise foi, il distingue celui qui se
trompe du traître.
[Sommaire]
4. DE L’HUMANISME
NAIF A L’HUMANISME CONSCIENT.
C’est à la base sociale – dans les lieux
de travail et d’habitation des travailleurs – que l’Humanisme doit transformer
la simple protestation en force consciente, orientée vers la transformation
des structures économiques.
Quant aux membres combatifs des organisations
syndicales et aux membres des partis politiques progressistes, leur lutte
deviendra cohérente quand ils tendront à transformer les instances dirigeantes
des organisations dont ils font partie, en donnant à leurs collectivités une
orientation qui mettra à la première place – avant même les revendications à
caractère immédiat – les questions de fond que propose l’Humanisme.
Un très
grand nombre d’étudiants et d’enseignants, habituellement sensibles à
l’injustice, rendront plus consciente leur volonté de changement dans la
mesure où la crise générale du système les touchera. Et bien sûr, les gens de
la presse, en contact avec la tragédie quotidienne, sont en mesure aujourd’hui
d’agir dans une direction humaniste, de même qu’un certain nombre
d’intellectuels dont la production se veut en contradiction avec les règles
que fait valoir ce système inhumain.
Nombreuses sont les positions qui,
ayant pour base la souffrance humaine, invitent à une action désintéressée en
faveur des démunis ou des discriminés. Parfois, des associations, des groupes
volontaires et des couches importantes de la population se mobilisent faisant
ainsi un apport positif. Assurément, une part de leur contribution consiste à
dénoncer ces problèmes. Cependant, ces groupes ne fondent pas leur action sur
la transformation des structures responsables de ces maux. Ces positions
s’inscrivent davantage dans l’Huma nitarisme que dans l’Humanisme conscient.
On trouve en elles, des protestations et des actions ponctuelles susceptibles
d’être approfondies et étendues.
[Sommaire]
5. LE CAMP
ANTIHUMANISTE.
A mesure que les forces mobilisées par le
grand capital asphyxient les peuples, des positions incohérentes surgissent et
se renforcent en exploitant cette souffrance, en la canalisant vers de faux
coupables. A la base de ces néo-fascismes, se trouve une profonde négation des
valeurs humaines. De même, dans certains courants écologistes déviés, la
nature passe avant l’homme. Ils ne prêchent plus que le désastre écologique
est catastrophique parce qu’il met en danger l’humanité, mais parce que l’être
humain a attenté à la nature. Selon certains de ces courants, l’être humain
est pollué, et par là même il contamine la nature. Il serait préférable pour
eux que la médecine n’eusse pas connu de succès dans le combat contre les
maladies et dans l’allongement de la durée de la vie. “La Terre d’abord”
crient-ils avec hystérie, nous rappelant les proclamations du nazisme. De là,
à discriminer des cultures qui polluent, des étrangers qui salissent, il n’y a
qu’un pas. Ces courants s’inscrivent aussi dans l’Antihumanisme, car au fond
ils méprisent l’être humain. Leurs mentors se méprisent eux-mêmes, en
reflétant les tendances nihilistes et suicidaires à la mode.
Une partie
importante de gens réceptifs adhèrent aussi à l’écologisme, car ils
comprennent la gravité du problème que celui-ci dénonce. Mais si cet
écologisme prend le caractère humaniste qui lui correspond, il orientera la
lutte contre les promoteurs de la catastrophe, à savoir : le grand capital et
la chaîne d’industries et entreprises destructrices, parents proches du
complexe militaro-industriel. Avant de se préoccuper des phoques, cet
écologisme devrait s’occuper de la faim, de la concentration urbaine, de la
mortalité infantile, des maladies, du déficit sanitaire et du manque de
logement existant dans de nombreuses parties du monde. Et il mettra l’accent
sur le chômage, l’exploitation, le racisme, la discrimination et l’intolérance
dans ce monde technologiquement avancé. Un monde qui, d’autre part, est en
train de créer des déséquilibres écologiques au nom de sa croissance
irrationnelle.
Il n’est pas nécessaire de trop s’étendre sur des
considérations concernant les diverses droites, instruments politiques de
l’Antihumanisme. Leur mauvaise foi atteint de tels niveaux que,
périodiquement, elles se proclament comme représentantes de “l’Humanisme”.
Dans le même esprit, la ruse cléricale, qui a prétendu théoriser sur la base
d’un ridicule “Humanisme Théocentrique” (?), n’a pas manqué de
se produire. Ces gens qui ont inventé les guerres de religions et les
inquisitions, ces gens qui ont été les bourreaux des pères historiques de
l’humanisme occidental, se sont approprié les vertus de leurs victimes allant
même jusqu’à “pardonner les déviations” de ces humanistes de l’histoire. La
mauvaise foi et le banditisme dans l’appro priation des mots sont énormes au
point que les représentants de l’Antihumanisme ont tenté de se couvrir du nom
“d’humanistes”.
Il serait impossible de dresser l’inventaire des moyens,
des instruments, des formes et expressions dont dispose l’Antihumanisme. En
tous cas, jeter la lumière sur ses tendances les plus sournoises contribuera à
ce que de nombreux humanistes, spontanés ou naïfs, révisent leurs conceptions
et le sens de leur pratique sociale.
[Sommaire]
6. LES FRONTS D’ACTION HUMANISTES.
L’Humanisme organise des fronts d’action
dans les domaines du travail, du logement, des syndicats, de la politique et
de la culture avec l’intention d’assumer de plus en plus le caractère de
mouvement social. En procédant ainsi, il crée les conditions d’insertion pour
les différentes forces, groupes et individus progressistes, sans que ceux-ci
ne perdent leur identité ni leurs caractéristiques propres. L’objectif de ce
mouvement consiste à promouvoir l’union des forces capables d’exercer une
influence croissante au sein de vastes couches de la population, en orientant
par son action la transformation sociale.
Les humanistes ne sont pas naïfs
et ne se gargarisent pas de déclarations propres aux époques romantiques. Dans
ce sens, ils ne considèrent pas leurs propositions comme l’expres sion la plus
avancée de la conscience sociale, ils ne pensent pas non plus à leur
organisation en termes indiscutables. Les humanistes ne feignent pas d’être
les représentants des majorités. En tous cas, ils agissent en accord avec ce
qui leur paraît le plus juste, visant les transformations qu’ils croient les
plus appropriées et les plus réalisables, dans le moment qu’ils vivent.
Silo, Lettres à mes amis, Editions références, Paris, 1994, p.93-106